L'évidence et le sentiment de légitimité

Ça y est les jours rallongent, la sève du printemps commence à monter, les primevères percent la neige sur les sommets. Hier je parlais à une amie qui sort d’un hiver très agité, elle se sent encore en octobre, la pause hivernale n’a pas eu lieu pour elle ; tandis que moi, dans un entre-deux, j’ai eu une réelle hibernation mais secouée de tensions, de stress, de questionnements, j’ai du mal à enlever le voile de l’hiver lourdement posé sur mes épaules, à avancer joyeusement dans le printemps. Pourtant, voir le soleil prendre tranquillement ses quartiers en soirée, enlever mon écharpe et sentir le vent qui se réchauffe dans mon cou amènent déjà ces frétillements du réveil. 
Et vous comment vous sentez-vous à la sortie de cet hiver ? Je vous invite à faire une petite méditation introspective, un bilan pour vous regarder franchir ce passage des saisons.


J’ai annoncé que je parlerai ici d’humilité et de légitimité. C’est un challenge, à commencer par :

« suis-je légitime de parler de ces sujets ? »

Oui et non, partager mes questionnements, mes doutes, il y a beaucoup de points d’interrogation… Et je me dis aussi qu’il y a une évidence, qui me fait tenir et continuer à développer mes propositions. La grande question, qui me travaille sur le plan pro mais aussi sur le plan perso avec la co-construction d’un habitat partagé avec des valeurs écologiques dans le Jura : Qui suis-je pour transmettre, pour prétendre guider, pour montrer l’exemple, pour influencer (ce mot me hérisse les poils mais a toute sa place dans ce questionnement) ?

Et si je faisais mal ?

Et puis, l’évidence : pour la première fois de ma vie, l’apprentissage a été facile. Lorsque je suis dans ma posture de thérapeute ou de professeure de yoga, lorsque j’arrive à faire taire les pensées et à être complètement connectée aux personnes face à moi, c’est fluide, naturel, je me sens alignée et rechargée. Ce n’est pas parfait, mais c’est juste, avec mon savoir-être et mes savoir-faire. Mais alors, pourquoi tous ces questionnements ?

Ma piste : ça touche à la souveraineté de chacun, je crois profondément que chacun a l’intelligence en soi pour faire ses propres choix, qui lui conviennent à lui/elle. Mais alors pourquoi viendrait-on me voir ? Ou, posé autrement : pourquoi moi-même je me fais accompagner, et pourquoi, bien que je pratique le yoga au quotidien toute seule, ça ne remplacerait pas une belle séance guidée ? Est-ce que l’autre, l’accompagnant, fait à ma place, me donne les réponses ?
Non. Heureusement que non.
C’est là où je peux avoir peur. C’est à chacun de puiser en soi ses ressources, ses réponses, et c’est à moi de rester à ma place d’accompagnante, de soutenante, mais surtout pas de sauveuse et de sachante supérieure, parce que je ne sais pas mieux que l’autre pour l’autre. Je ne peux et ne dois que suggérer. Et rester humble. Parce que je ne sais pas mieux. J’ai appris certaines choses. Et j’en ignore beaucoup. Et je ne suis pas l’autre.

Bon, vous l’aurez compris, les interrogations sont là, et tant mieux, ils viennent nourrir ma posture. Je suppose que je ne suis pas la seule à me bousculer avec toutes ces questions… Le sujet reste ouvert, il est vaste, mouvant. Alors je suis ouverte à vos réflexions si vous souhaitez me les partager, si mon témoignage de questionnement a soulevé des choses en vous !

Les Larmes Nourricières, peinture acrylique sur papier

Et je dépose ici un autoportrait, Les Larmes Nourricières que j’ai réalisé à l’automne dernier et qui résonne fort je trouve avec le prochain sujet abordé dans cette newsletter. Ce ne sont pas mes larmes, ce sont celles qui coulent à travers moi, à travers la peinture, pour toutes celles qui n’ont pas été versées.


Et pour finir avec cette newsletter (oui je m’étale…)

Je voulais vous parler du film Women Talking, de la réalisatrice Sarah Polley. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été autant émue et remuée au cinéma.

Le synopsis : il s’agit de deux jours de débats pour un groupe de femmes reculé dans une colonie, toutes victimes de violences sexuelles. Que doivent-elles faire, rester et pardonner, rester et se battre, partir ? Pardonner, mais comment, qu’est-ce que le pardon ? Se battre, mais pourquoi, dans quel but, et accepter d’agir avec violence pour se défendre ? Partir, mais où, pour faire quoi, et abandonner les hommes, les fils, les frères ?

Dans ce film je n’ai pas vu de scène de violence (ou très peu, seulement l’après, il n’y a pas l’horreur de l’acte en image), je n’ai pas perçu de sentimentalisme, je n’ai pas senti qu’on me forçait à ressentir. Et pourtant.

Il y a les discours, les réflexions, très bien construites, intelligentes.

Et puis il y a la réalité, portée par des actrices que j’ai trouvées très justes. La résilience, la souffrance, les brisures, la force, l’éveil à la liberté, la peur. Et c’est ça, filmé avec finesse et sobriété, qui m’a renversée. Cette souffrance mais aussi cette résilience et cette force. Qui a fait écho en quelque chose chez moi. Comme si ça mettait en image mon intuition profonde : cette violence faite aux femmes, on l’a toutes en nous, par notre vécu, mais aussi par notre héritage, le transgénérationnel et l’inconscient collectif. J’imagine que c’est plus présent chez certaines que chez d’autres. Pour moi c’est un appel vibrant, féministe, empathique, très fort. Ces femmes, c’est moi. Et pourtant non, c’est faux, ce n’est pas moi. Mais alors, pourquoi ?

Tout ça pour dire : je vous invite chaudement à aller voir ce film, à me faire vos retours, peut-être qu’ils seront très différents du mien. Peut-être que c’est ma sensibilité, mon sujet. Vous me direz.


Je vous souhaite une très belle fin de semaine

Laure

Précédent
Précédent

Itinéraire initiatique

Suivant
Suivant

le printemps souffle vers nous